Cycle « le voyage des graines » – 2ème episode

Cycle « le voyage des graines »

L’AVEN du Grand Voyeux vous propose dans le cadre du cycle « Le voyage des graines » un article chaque semaine sur la dissémination des graines et les différentes méthodes – parfois très étonnantes – utilisées par les plantes pour pérenniser l’espèce.

Cette semaine, c’est le défilé des graines de nos plantes aquatiques et de berges. Ce sont probablement les grandes gagnantes de l’épisode de crues que nous connaissons actuellement, la dissémination des graines s’effectuant grâce à l’eau : c’est l’hydrochorie.

Grâce à la montée des eaux, les graines augmentent leur surface de dispersion et éventuellement leurs chances de germination. Des études sont d’ailleurs menées à ce sujet. Certaines comme la noix de coco brouillent même les pistes : elle est présente sur toutes les plages tropicales de la planète, sans qu’on sache aujourd’hui encore, de quel endroit la plante est originaire.

Il est important de comprendre le comportement des espèces hydrochores et de favoriser leur développement, car leur présence nous préserve des inondations et leur absence renseigne sur la fonctionnalité de nos cours d’eau. La mise en place progressive de barrières physiques, de déviation et de drainage du réseau hydrographique a fragmenté les habitats, modifié les débits et les substrats et ainsi réduit la capacité de dispersion et de germination des graines hydrochores. Selon l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), 15% des espèces végétales associées aux milieux humides en Ile-de-France sont directement menacées d’extinction. Le fait que les zones humides occupent aujourd’hui moins de 3% du territoire métropolitain explique aussi cette situation.

L’aulne, un grand navigateur

Chardonneret élégant

Chardonneret élégant sur aulne glutineux

Paradoxalement, ce sont les zones humides qui abritent la plus grande richesse spécifique, et notamment un arbre emblématique de nos régions lui aussi en régression : l’aulne ou Alnus glutinosa (voir photo ci à droite : cône de l’aulne contenant les graines appelées samares). Ses graines étant totalement digérées par la faune qui les consomme, il lui a fallu trouver un autre moyen de les disséminer. La graine est dotée de petits flotteurs en liège capables de la transporter sur de longues distances. Elle peut flotter pendant des mois sans perdre sa capacité à germer. Contrairement à la graine du saule (voir l’article sur l’anémochorie), elle n’a pas à se presser pour trouver la bonne berge et le bon moment pour lever.

 

Iris pseudacorus

Graine d’Iris des marais (source : www.museum.toulouse.fr)

Ce système de dispersion des graines par flottage sur l’eau (nautochorie) est aussi employé par d’autres plantes qui nous rendent de grands services, comme le fameux iris jaune des marais (Iris pseudacorus) qui remplit une fonction épuratrice, en stockant des métaux lourds dans ses racines capables de dégrader de nombreuses substances contenues dans les herbicides ou les pesticides. La graine est habillée d’une cire imperméable et lisse qui s’imbibe au fil du temps, finit par couler mais laisse le temps à la graine de coloniser un nouvel espace.

Les mousses, de vrais apprentis marins

C’est une chose qu’on entend souvent…  « Les mousses poussent au Nord et dans les coins frais et humides ! ». En fait, les bryophytes (mousses) se développent là où l’eau a ruisselé car elles ont besoin de précipitations abondantes et un sol bien détrempé, pour permettre aux gamètes mâles et femelles de se déplacer et de se rencontrer (Hydrogamie).

Bien que petites et en apparence insignifiantes, elles jouent un rôle très important à différents égards dans les écosystèmes :

– Elles sont les premières à apparaitre sur les sols nus et sont capables de retenir plus d’une fois leur poids en eau. Elles préparent le terrain et servent de substrat pour les plantes à fleurs (angiospermes), et répondent à leurs besoins en restituant l’eau dans l’environnement lorsqu’il fait sec.

– Elles sont bio-indicatrices, elles renseignent sur la qualité des conditions environnementales. Du fait qu’elles retiennent sans filtrer toutes les substances contenues dans les précipitations. Elles sont donc aussi utilisées pour mesurer la pollution car elles donnent une valeur précise du taux de métaux lourds présent dans le milieu où elles poussent.

– Elles servent d’habitats pour de nombreuses espèces d’insectes et de micro-organismes.

– Elles servent de matériau de construction utile aux nids des oiseaux.

– Elles ont fondé les tourbières, des écosystèmes rares qui abritent des végétaux et des animaux singuliers et qui stockent 3 fois plus de CO2 que les forêts tropicales (à l’échelle mondiale).

Des spécialistes qui se font rare…

Les plantes hydrochores sont des « spécialistes », cela signifie que pour la majorité d’entre elles, la dissémination ne s’opère que d’une seule manière, et qu’elles ne peuvent prospérer qu’en présence d’eau. Les facteurs limitants de leurs exigences écologiques couplés à la destruction progressive de leurs milieux, menacent leur existence à moyen terme.

Comme on peut le constater en ce moment avec les crues qui touchent la moitié nord du pays, il coûte bien plus cher à la communauté de réparer les dégâts causés par la destruction des zones humides, que de financer des projets pour leur restauration.Les dégâts causés par les inondations en France s’élèvent en moyenne à 265 millions d’euros par an. (Sources : données du Ministère de l’Ecologie et du Développement durable).

La semaine prochaine, un article sur l’autochorie et ces plantes qui disséminent leur descendance de manière mécanique.

KEVIN ZEITOUNI

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